Le Vampire

Publié le par Lhomville

Seb-le-vampire. C'est comme ça qu'on l'appel au bahut. C'est Sébastien son vrai prénom. Toujours habillé en noir. Toujours triste. Enfin il a l'air triste. Ce n'est ni le premier, ni le dernier en classe. Un élève moyen. Il lit les "fleures du mal" (quel bouquin chiant !) et les autres poètes romantiques. Et les oeuvres d’Anne Rice aussi ; c’est pour ça qu’on l’a surnommé « le vampire », même si il est différent des autres gothiques du lycée. Un jour avec mon amie Mélanie nous l'avons suivi. C'était vers 15h. Un prof absent, et nous avions quitté les murs de Moissan une heure plutôt que prévu. Il est parti seul. Du cours de Verdun, la rue des vieux moulins, puis la rue des ursulines, vers la place Doumer. Là il s’est arrêté un instant et a regardé l’ange du monument aux morts - Il paraît que c’est la fille d’un ancien maire de Meaux qui a servi de modèle a la sculpture. Puis il a repris son chemin. La rue Alfred Maury, par le passage souterrain (aussi rassurant qu’il pue la pisse). Puis rue Jeanne d’Arc… Nous suivions toujours de loin, jusqu’au vieux cimetière. Je n'y étais jamais entré avant. Et là, fin de la filature. Seb nous attendait.
- Vous n’êtes pas vraiment discrets tous les deux ! Pourquoi est-ce que vous me suivez ?
Je n’ai pas eu le temps de réfléchir à une réponse, Mélanie et sa franchise habituelle m’avaient devancé.
- On voulait savoir où tu allais ! Ça t’embête ?
J’avais oublié aussi son tact naturel.
- Non ça ne me dérange pas.
- Pourquoi viens-tu ici ? Ça sent la mort et c’est triste. Faut avoir des idées vraiment noires pour venir ici. Moi je n’aime pas. Renchérit Mélanie.
- Je n’ai pas plus d’idée noire que toi. Mais c’est vrai que quand je me sentais triste avant je venais ici.
J’osais parler :
- Il y a un lien entre tes venues ici et ce que tu lis ?
- Tu veux dire les histoires de vampire ? (Il se mit à rire). Vampires… Je sais que c’est comme ça que  les autres m’ont surnommé. Ces histoires c’est marrant ! Mais je ne m’attend pas à croiser Buffy Summers au coin de la rue si ça peut te rassurer.
Je me mis à rire, mais j’étais gêné.
- Bon ben puisque vous êtes là, je peux peut-être vous montrer ce qui me ramène ici !
- Ouai ! (un « ouai » hésitant qui sortit du fond de ma gorge).
Nous suivions Sébastien dans les allées du cimetière. Il s’amusait à jouer les guides pour nous, nous racontant que tel tombe était celle d’un général de l’armée Napoléonienne, telle autre celle d’un maire et de sa famille, agrémenté d’un tas de petites anecdotes.
- Tu en sais des choses, dit Mélanie
- Je m’intéresse à l’histoire de ma ville c’est tout. Et nous voilà arrivé…
Nous nous tenions devant un cube de pierre blanche assez abîmé, près du mur ouest du cimetière. L’épitaphe, encore lisible indiquait « Anaïs C. – morte à l’âge de 16ans – 26 février 1842 » (s’agit-il de son jour de naissance ou du jour où elle s’est éteinte ?)
- Elle avait notre age lorsqu’elle a quitté ce monde. Je ne peux m’empêcher de penser que j’ai beaucoup de chance d’avoir vécu plus longtemps qu’elle. La vie est si merveilleuse. Et il y a tant à découvrir…
Émilie semblait aussi émue que moi devant cette tombe.
- Il est tard nous devons rentrer, bredouilla Emilie.
- Oui c’est vrai. Et encore la rédac de phylo à terminer pour demain. 
Nous avons quitté Sébastien devant le conservatoire. Il pris la direction de Frot, Émilie et moi celle de la gare, d’où l’on reprendrait le bus. Sur le chemin Emilie me confiait qu’elle avait trouvé Sébastien sympa : « Ca t’embête si on va prendre un café au Bureau avec lui demain ? » Je souris pour lui montrer mon approbation tandis que nous montions dans le bus.

Publié dans Nouvelle

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