La Pleine Lune - Disparition

Publié le par E.S.

[…] Quelques…heures plus tard, mon mari me croyait. Mais n’entendait pas Kashmir. Et lui, Kashmir, est-ce qu’il suivait en ondes notre conversation ?

J’avais été sur le point d’obtenir une réponse à qui m’arrivait. Et finalement de ne rien savoir m’apaisait.

La lune décroissait lentement. Mes insomnies aussi. J’étais en plein rêve : c’était le feu d’artifice du 14 juillet, j’étais assise sur une balustrade du bord de Marne et je tenais ferme la main de mon petit-fils qui râlait parce qu’il ne voyait rien. Les fusées fusaient bizarrement de plus en plus sombres et venaient se fracasser sur les vitres de mon balcon.

- Tu cauchemardes, dit mon mari, réveille-toi !

Dans l’obscurité j’ouvris les yeux. Et soudain, un grattement bien réel du côté du balcon. Nous nous levâmes d’un seul bond, mon mari et moi. Nous étions habitués à tout dans ce square meldois : aux vols de voiture, aux courses poursuites, aux gyrophares de trois heures du matin pour feux de poubelles. Nous ne désespérions pourtant pas encore, après toutes ces années : la réhabilitation était en route. Et même s’il fallait en passer par le bruit des pelleteuses et la bouillasse en bas des bâtiments, cela valait le coup. Un coup d’œil aux maisons « Antibes » nous indiqua que tout allait bien de ce côté. Au loin, la nouvelle enseigne jaune BABOU ne pouvait être manquée, distançant dans le fluo LECLERC et GIGA.
Le bruit recommença.

-Ce sont les bestioles ! dis-je.

Le chef Kashmir « frappait » aux stores. La porte-fenêtre ouverte laissait pénétrer l’odeur de la terre en pots.
- J’en peux plus ! dit Kashmir. J’ai perdu Sirius.
- Qui est Sirius ?
- L’étoile. A cause de toutes ces lumières, je ne la vois plus dans le ciel, je ne sais où aller. J’ai faillit me rompre les ailes pour revenir jusqu’ici.
- Tu étais sorti, fis-je sans parler ?
- Oui, avec Pulsar. Tu sais c’est ma compagne.
- Félicitation…
- Mais non ! s’énerva Kashmir. Je l’ai perdue elle aussi ! Nous survolions à grande vitesse le canal de l’Ourcq. Sous le pont Saint-Lazare, nous fîmes halte accrochés la tête en bas. L’endroit était à connaître, je pensais que nous allions y finir l’hibernation. Mais d’un coup d’un seul, une main humaine a attrapé Pulsar, l’a décrochée sans ménagement et l’a emmenée je ne sais où. J’ai peur, tu sais, j’en ai connu des choses et des lieux. Mais ça, jamais !

C’était étrange. Je voyais bien l’endroit bordé d’un escalier menant à l’Avenue Roosevelt et surmonté du restaurant « Le Champ de Mars ». A droite, il y avait des lilas sauvages qui fleurissaient en mai et que j’allais « soulager » de leurs plus belles branches chaque année. Quelqu’un aurait-il pu, perché sur la plus haute marche avant la route, apercevoir les deux chauves-souris et en attraper une ? Et pourquoi ? Le monde est plein de gens extravagants, pour ne pas dire…lunatiques ! Pulsar n’était peut-être plus qu’un petit tas de fourrure sans vie jeté dans un buisson.

- Nous allons t’aider, dis-je à Kashmir. J’entendis comme un soupir.

E.S. 

Publié dans Nouvelle

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